CORINNE MERCADIER
Représentée par la Galerie Les filles du calvaire à Paris.
''Une borne à l'infini"
Photographies issues des séries ''Solo'' (2011-2015) et ''Le ciel commence ici'' (2013-en cours)
À la Collégiale Saint Pierre La Cour / Le Mans
"Demain" - série "Solo" 2011-2012 / courtesy Galerie Les filles du calvaire, Paris
"A la lune" - série"Le ciel commence ici" 2013-2017 /courtesy Galerie Les filles du calvaire, Paris
Ces deux séries, qui se succèdent dans l’œuvre de Corinne Mercadier, sont mises en scène dans des espaces extérieurs : déserts ou pistes abandonnées pour "Solo", toits de bâtiments remarquables pour "Le Ciel commence ici". On y retrouve les ciels très sombres présents depuis les photographies de Paysages (1992), et les acteurs ainsi que les objets lancés de Une fois et pas plus en 2002 et de Longue distance en 2007.
Dans ces espaces aux allures cosmiques, les personnages, souvent plongés dans leurs pensées, sont confrontés à des objets qui tiennent un rôle central à la fois lors de la prise de vue, et dans l’image finale : qu’ils soient dans les airs ou qu’ils roulent au sol, ils entrent en relation avec le corps, le décor, la lumière, le temps. La photographie capte en un cliché des préoccupations existentielles et des rêveries sur notre place dans le temps et dans l’espace. Chaque image est conçue au travers d’un projet dessiné dans un carnet à partir des photographies de repérage, mais c’est le hasard qui a le dernier mot pour façonner des formes inattendues du réel..
Corinne Mercadier réalise des mises en scène photographiques liées à une perception poétique de la place de l’homme dans l’espace. Elle porte autant d’intérêt à la danse qu’à l’architecture et aux espaces intersidéraux. Pour mettre en scène ses projets, dessinés préalablement, elle fabrique des sculptures destinées à être lancées au cours des prises de vue, et fait appel à des modèles, souvent des danseurs, qui seront ses interprètes.
CHRISTOPHE HARGOUES
''EXTRA/ordinaire''
Au centre des expositions Paul Courboulay / Le Mans
Une résidence immense, à l’écart de toute commune, parcourue d’un dédale de couloirs bordé d’amples baies vitrées. C’est là que sont accueillies quarante-cinq personnes et que travaillent plus d’une centaine d’autres. Médecins, infirmiers, aides-soignants encadrent les résidents, tous atteints de maladies neuromusculaires dégénératives ; parmi ceux-ci, certains sont là depuis peu, d’autres depuis plus de vingt ans...
Au sein de ces quelques mille mètres de couloirs, les aides-soignantes se déplacent à vélo ; les résidents, eux, ajustés dans leurs fauteuils roulants électriques vont et viennent posément. Qui allant de sa chambre à celle d’un ami, de cette dernière au foyer ; qui du foyer au réfectoire, pour enfin retourner à sa chambre. Chacun d’entre eux possède sa propre pièce : son cocon, son univers ; concentré d’images, de souvenirs, de passions. Le silence y est prédominant, la parole, elle, est rendue parfois difficile, voire impossible par la maladie et sa lente évolution. La dépendance est omniprésente, et le dénouement connu.
C’est un monde à part, où la perception du temps et de l’espace est altérée, transformée : tantôt comprimée, tantôt distendue.
Resituée dans leur chambre médicalisée, cette représentation photographique est tout d’abord l’expression d’un souhait, d’une passion révélée, d’un fantasme avoué ou tout simplement d’une véritée cachée. Une fois retenue, cette évocation occupe tout l’espace physique de la pièce ; elle l’envahit littéralement afin d’aboutir à une vision où l’imaginaire et l’illusoire supplantent la condition humaine et le tangible.
DELPHINE BLAST
''Quinceañeras''
Au centre des expositions Paul Courboulay / Le Mans
La "Quinceafiera" ou "Fête des quinze ans" est une fête traditionnelle dans le monde latino-hispanique et marque le passage de l'enfance à la femme adulte pour la jeune fille qui fête ses quinze ans. Véritable phénomène de société en Colombie, cette tradition est un évènement phare dans la vie d'une jeune colombienne et renferme un fort symbole social et émotionnel.
Nombre de familles, notamment celles issues des milieux les plus modestes, n'hésitent pas à dépenser des sommes très importantes, pouvant même dépasser six millions de pesos (3000 euros) pour offrir à leur fille la fête de leur rêve. Pour ces familles peut être plus que pour les autres, cette célébration est si importante qu'elles peuvent aller parfois jusqu'à s'endetter sur plusieurs années.
Cette fête fastueuse, qui s'apparente à un "mini-mariage" se déroule autour d'une grande réception où la Quinceañera* porte une robe aux couleurs flashy et est au centre de toutes les attentions. Il s'agit d'un véritable évènement avec orchestre traditionnel, photographes, buffet thématique et animations diverses.
En décembre 2014, je décide d'aller à la rencontre de ces jeunes filles issues des classes sociales basses afin de mieux comprendre ce que cette célébration représente véritablement pour elles. Je me rends au sud de Bogota, dans les quartiers défavorisés.
Ce travail documentaire s'articule autour d'une série de quinze portraits de Quinceafieras posant dans leur robe au milieu de leur environnement quotidien. J'ai ainsi souhaité retranscrire le décalage parfois frappant entre le vide social de ces jeunes filles et le faste aussi bien matériel que symbolique que peut engendrer une telle tradition.
Delphine Blast
* Terme désignant la fête mais également la jeune fille qui fête son anniversaire
JULIEN COQUENTIN
''Saisons noires''
Au centre des expositions Paul Courboulay / Le Mans
"J’ignore le moment où cette série a précisément commencé. Sans doute pas à la première photo. Je crois que tout ceci remonte à bien plus loin, au-delà de ma propre mémoire. Ce sont des images qui se bousculent : un curé revêtu d’une longue cape noire, marchant dans la neige au cœur d’une forêt, tenant en équilibre sur ses épaules une chambre photographique. Ce sont encore des images de gamins dévalant des prés, un morceau de bois sur lequel ont été cloués quelques insectes, des sauts de l’ange dans un déversoir et un tiroir qui chute. Ce tiroir, échappé d’une petite table de chevet que je déménageais en décembre 2013, libérait ainsi ce qu’il dissimulait : une facture de bistrot et une prescription médicale, datées toutes deux de 1947, une poignée de coton, une photographie sur laquelle figurait ma mère, enfin du papier destiné à l’entretien de verres optiques.
Cette table de nuit fait partie de ces meubles auxquels je suis attaché et dans lequel par mégarde, ma grand-mère maternelle, morte en 2008, avait laissé s’échapper ces quelques éléments, dissimulés depuis 60 ans. Le plus troublant dans cette découverte n’a pas été les papiers, ni la photographie d’ailleurs, mais bien plutôt cette chose si précieuse, enfermée là durant toutes ces années... confinement délicat : son odeur.
La bourre de coton contenait son odeur.
J’ai gardé précieusement l’ensemble afin de le montrer à sa fille, ma mère, avant de glisser à nouveau chaque élément derrière le tiroir, au cœur de ce double fond presque inaccessible, là où demeure circonscrite l’odeur de ma grand-mère.
Mes saisons noires sont celles de l’enfance, saisons plongées dans l’obscurité, que le temps chaque jour recouvre davantage. Le territoire photographié est une campagne française où j’ai grandi, et dont les paysages, semblables à cette table de chevet, dissimulent ma mémoire, toutes les odeurs et les goûts qui progressivement m’ont constitué, les sensations, la vie éprouvée, saison après saison."
Julien Coquentin
CÉLINE DIAIS
''Voir la mer''
Au centre des expositions Paul Courboulay / Le Mans
Désormais, profiter du rêve balnéaire en ville devient possible. Depuis une dizaine d'années, le concept de plages urbaines se développe en France. Les sens et les frontières s'y brouillent. Dans ces univers surréalistes, la congestion des villes vient contraster avec l'imaginaire marin. Les images, aux couleurs douces, en révèlent toute la poésie, la beauté et l'insolite, où comme le dit l'ethnologue Emmanuelle Lallemant, "les gens sont collectivement invités à participer à une pirouette qui consiste à jouer à la plage sans la mer".
Céline Diais
"Les coulisses sont décidément des lieux épatants. Chez Céline Diais, la photographie prend la tangente et titille le fil tendu entre deux contraires : la congestion des villes et l’imaginaire marin. Dans l’interstice, au creux des ombres estivales, un joyeux fatras abrite des silhouettes qu’on devine peu habituées aux plaisirs balnéaires. Le ciel fait de son mieux pour paraître sous son meilleur jour et les immeubles de l’arrière-plan s’excusent du peu qu’ils offrent dans le tableau mais en font tout le sel. Céline Diais sait bien ranger tout ça dans ses carrés d’été et nous fait humer l’écume des rues".
Alain Willaume (Tendance Floue), rédigé à l'occasion des Rendez-vous de l'image 2016, à Strasbourg.
FRANCESCA DI BONITO
''CHAIRS DÉVOTES''
Au centre des expositions Paul Courboulay / Le Mans
Série exposée - CHAIRS DÉVOTES
Sculptures photographiques, technique mixte, couture s/photographie, 2014
Chairs Dévotes puise ses origines dans une recherche sur le corps humain sculpté et sa revisitation photographique. À des photographies de statues classiques et religieuse, j'ai intégré des dessins d'organes humains pris dans d’anciennes encyclopédies anatomiques. La couture et la broderie, pratiques familières depuis mon plus jeune âge, m'ont ensuite permis d’assembler en volume des matières du réel, du quotidien. Les visuels des corps sculptés s’imprègnent ainsi d’une histoire humaine qui glisse le long des fils et des épingles, points d’ancrage d’une chronique terrienne. Détournant le religieux pour l’emmener vers le terrien et l’organique, le volume s’impose comme un équilibre entre la lourde masse de ces icônes et leur réductif témoignage photographique. L'oeuvre se constitue ainsi de totems hybrides, de sculptures photographiques drapées d’ironie qui ramènent le sacré dans les enjeux existentiels du vécu humain.
FRANCESCA DI BONITO
Textes de Francesca Di Bonito
Photographe et plasticienne, j’utilise le médium photographique dans sa nature d’outil et
support.
Par une pratique qui est de l’ordre de l’action manuelle et de l’intervention plastique et numérique,
je construis des récits visuels où le réel et l’imaginaire se dévoilent comme deux faces d’une
même pièce, deux natures d'une même condition. Comme un jeu de va-et-vient, la déconstruction
du réel et la construction des fictions s’alternent au sein de chroniques de vie.
L'usage du corps, ou de son image, devient un outil d’échange et d'interaction, un support d’inscription plastique et d’écriture intime à la fois. Les figures hybrides de mes récits, par des procédés de croisements et métissages, se transforment en univers polysémiques explorant les
stéréotypes identitaires.
DOMINIQUE PICHARD
''De chair et d'encre''
Au centre des expositions Paul Courboulay / Le Mans
‘‘Quand la peau se fait parchemin, textes et gravures prennent corps
Diptyques argentiques comprenant un portrait et un détail. Le textes et gravures tatoués sont issus de la littérature contemporaine et classique.
Cette série a été réalisée lors de la résidence à la Bibliothèque Humaniste de Sélestat (67) le temps du chantier de restructuration, est née d’une rencontre éphémère entre deux collections en itinérance : celle du fonds précieux de la bibliothèque et celle de textes ou de gravures tatoués sur le corps des modèles.’’
Dominique Pichard
MIRIAM RUISSEAU
''¿Donde estás Federico?''
Au centre des expositions Paul Courboulay / Le Mans
¿Donde estás Federico?
On dit souvent d’un fleuve majeur qu’il est la colonne vertébrale d’un pays car c’est le long de ses berges, au fil des siècles, que se sont rassemblés les hommes pour construire les villes. En Espagne, nous pensons bien sûr à l’Èbre et son delta car dans la mémoire collective il est encore hanté par les cris éperdus des combattants napoléoniens d’abord, mais surtout républicains ensuite, durant la guerre civile. Une chanson célèbre (El paso del Ebro) a immortalisé à jamais —même si elle a été créée bien avant— la dernière résistance à l’avancée de Franco avant la chute de Barcelone. Et puis il y a cet autre grand fleuve, mythique également, mais pour d’autres raisons, disons plus littéraires qui représente davantage une région, l’Andalousie, qu’une nation. C’est le majestueux Guadalquivir. Fascinée par la culture multiséculaire de ce bout d’Europe aride, je suis partie de la source de ce Río Grande improbable, qui naît timidement en un filet presqu’imperceptible dans la Sierra de Cazorla, pour devenir si large et tourmenté, traversant Cordoue et Séville, puis calme à nouveau, en apparence immobile, voire inquiétant, dans d’infinis marais silencieux, et enfin s’épuiser dans l’Atlantique, à Sanlúcar de Barrameda, d’où partirent jadis Christophe Colomb et Magellan... Mais les ondes de cet ancien Bétis charrient davantage que les souvenirs de ces illustres navigateurs ; elles vibrent à l’unisson des rythmes flamencos et des vestiges arabo-judéo-andalous, mémoire liquide de ces temps bénis de tolérance où l’harmonie était possible, la grandeur partagée, l’art et le savoir célébrés.
Et puis le poète Machado est là, présent en toute pierre, derrière chaque arbre ; un peu plus loin Lorca fait encore tressaillir les cyprès qui l’ont vu mourir, la poésie illumine les pas du promeneur attentif et patient, le ciel est ouvert et les hommes sont des rocs. En même temps ce paysage idyllique mais rude parle bien de la fragilité du monde ; son sol est crevassé, ses veines de plus en plus exsangues, son écosystème menacé.
Le désert avance et assèche les plaines, assoiffe les chevaux, alourdit le vent.
En choisissant de suivre le parcours du Guadalquivir avec un matériel encombrant et presque désuet pour une telle entreprise (une chambre 4x5’), j’ai peut-être voulu arrêter le temps. Mais en choisissant le procédé polaroid, instantané par excellence, n’ai-je pas au contraire, et avec impatience, voulu défier ce temps ? Espérer (au double sens espagnol d’espoir et d’attente) pendant des heures que la lumière devienne douce et n’en rapporter qu’une image unique que la moindre rayure pouvait altérer relève d’un paradoxe qui continue de mûrir en moi.
Comme si j’avais voulu tricoter l’éphémère, voire l’accidentel pour mieux embrasser l’intemporel et m’y retrouver, peut-être, en inventant des origines au monde, des réponses à mes pas dans la poussière des chemins. Dans le mystère du fleuve. Hable con él, Parlez avec lui, il vous entendra.
HUBERT SACKSTEDER
''Domicile : cimetière''
Au centre des expositions Paul Courboulay / Le Mans
Cimetière: terrain, le plus souvent clos de murs, dans lequel on enterre les morts.
Aux Philippines cependant, particulièrement dans les grandes métropoles comme Manille ou Cebu, de nombreuses familles vivent dans les cimetières, parfois depuis plusieurs générations. Ainsi, le North Cemetery de Manille, lieu pour les morts certes, compte près de deux mille habitants. Lieu de vie donc.
Les conditions de vie y sont bien moins précaires que celles des sans-abri qui vivent sur les trottoirs de ces villes-là.
Les mausolées servent de maison, il y a plusieurs points d’eau dans l’enceinte du cimetière, la pollution est bien moindre que dans les rues congestionnées de la ville.
Le cimetière procure du travail: les hommes construisent et maintiennent les sarcophages et les mausolées, portent les cercueils lors des funérailles, procèdent aux exhumations, taillent les plaques funéraires. Les femmes s’occupent des enfants, du ménage, de la cuisine, élèvent des poules, cultivent des fleurs, produisent et vendent des chandelles.
Les enfants, comme partout, jouent....
CHRISTINE SMILOVICI
''Le Roman familial''
Au Centre d’art MoulinSart à Fillé/Sarthe
Ce travail est né sur du néant et peut-être « contre » ma propre histoire, mes origines et tout ce que m'a transmis mon héritage de pensée et de comportement.
Je suis partie pour le composer de photos d'inconnus et de photos personnelles anciennes (le temps en avait brouillé les identités des personnes et rendu les situations mystérieuses). Ce qui me plaisait était que je ressentais de belles émotions en regardant toutes ces photographies familiales, il en émanait beaucoup de simplicité touchante et de sincérité des instants. Tout ce qui se joue finalement dans chaque famille, quand le rideau tombe et protège des regards extérieurs. Il y avait quelquefois de la légèreté, ailleurs de la gravité. J'étais émue par des portraits où les gens posaient avec sérieux et authenticité, par des scènes où la vie et notamment la joie s'exprimaient comme lors de rassemblements pour des événements familiaux.
Un nouveau petit théâtre de vie était alors prêt à exister. Peu importait que tout soit faux, puisque tout avait été vrai dans l'instant photographique.
Christine Smilovici
ANNICK STERKENDRIES
''Posture Imposture''
À L'éolienne à Arnage
"Les photographies de réfugiés, toujours plus nombreuses, si nombreuses que l'on ne sait plus comment y poser le regard, s'arrêter sur ces visages toujours semblables dans le flot d'hommes, de femmes et d'enfants rescapés de traversées périlleuses, sur ces cohortes de migrants marchant sur les routes d'Europe ou massés contre les grilles élevées en hâte pour les contenir, images de la honte pour ceux qui n'ont pas oublié ce que fut le désarroi de nos grands-parents fuyant sur les routes de France l'avancée des armées du Reich.
L'une d'entre elles parfois s'en échappe, comme un cruel répit, le corps d'un enfant déposé par la vague sur une plage de Turquie, moment d'émotion collective trop bref puisque d'autres viendront pour la submerger, le temps n'est pas encore à la contemplation. Prendre, il s'agit bien toujours de prendre, des images efficaces, convaincantes, où l'empathie le dispute à la condescendance, la sincérité à l'indécence, chacune porteuse d’ambiguïté, chacune sans doute nécessaire quand bien même les images jamais n'arrêtent les guerres et que, telles des bouteilles à la mer elles vont, ignorantes de leur destinataire. Comment sortir du reportage, lui offrir d'autres voies que celles du document, et faire de ce qui passe ce qui peut demeurer?
À Calais, Tanger, Lampedusa ou Agrigente, ces seuils vers un ailleurs improbable où l'attente s'organise, où l'ennui et l'espoir se conjuguent, Annick Sterkendries est allée à la rencontre des migrants. Une photographie de plus ont dû songer, résignés, ceux dont la condition ne tient plus parfois qu'à un téléphone mobile. Mais il ne s'agissait pas pour elle d'ajouter aux photographies des "jungles" une photographie de plus. Proposant aux migrants de se coiffer du masque d'un oiseau, sans rien voiler des lieux et du décor, elle les a voulus complices et acteurs, et le moindre des paradoxes n'est pas qu'ainsi rendus anonymes, ils apparaissent singuliers.
Rien d'humoristique pourtant en cette démarche. Les drôles d'oiseaux que capture Annick Sterkendries sont immobiles, sans ailes pour les élever, cloués au sol dans ces camps improvisés, tels ces oiseaux tropicaux auxquels on a rogné le plumage pour mieux les exhiber. Plus cruelle encore est la confrontation avec les oiseaux indifférents, comme ceux glissant au jardin zoologique entre les barreaux des fauves, rendant leur condition plus lourde encore.
Qui n'a rêvé tel Icare, d'être un jour un oiseau, pour survoler les villes et les océans, oubliant pour un temps les lois de la gravité et celles des frontières. Je gage que ceux-là y ont si souvent songé et si longtemps désiré que la proposition d'Annick Sterkendries pouvait se passer de traducteur: ces oiseaux de la jungle sont loin encore du paradis."
Xavier Canonne Directeur du Musée de la Photographie de Charleroi.
JÉRÉMY TACHEAU
''Autremans''
Au pavillon de garde, parc Théodore Monod, Le Mans.
Série photographique en noir et blanc réinventant notre quotidien architectural.
Le point d'observation se déporte vers le bâtiment, nous invitant à s 'en approcher, se l'approprier pour redéfinir sa présence et sublimer la banalisation du quotidien en une création propre à notre imaginaire.
La singularité du cadrage, l'absence de temporalité par le traitement noir et blanc, troublent nos repères et accentuent la dimension surréaliste des compositions. Le jour, la nuit, l'endroit, l'envers...
le doute s'installe, l'esprit se libère et réinvente ses codes.
Cette série semble nous plonger dans un sommeil paradoxale, un rêve éveillé nous amenant à (re)découvrir une architecture banalisée, quelque fois décriée, mais bien réelle et source d'émotions.
THÉO ROUBY
''Les Derniers Bâtisseurs de cathédrales''
Au pavillon de garde, parc Théodore Monod, Le Mans.
"Cette série de photos sur Les Derniers Bâtisseurs de Cathédrales propose une immersion dans un petit bout de France insoupçonné. Futuna, un confetti posé de l’autre côté du planisphère, au cœur de l’Océan Pacifique.
Elle nous mène d’abord à travers des chantiers d’un autre âge, où l’on travaille encore à la gloire de Dieu, pieds nus et sans aucune protection, souvent à des hauteurs vertigineuses.
Elle raconte aussi le quotidien d’une petite société océanienne, confrontée à l’exode massif des jeunes et la pénurie d’emplois. Dans ce contexte, la construction d’églises maintient la cohésion de la communauté. Ces chantiers disproportionnés ne sont pas seulement une affaire de religion. Ils perpétuent une forte organisation collective et la transmission de nombreux savoirs. Ils sont le dernier ciment d’un mode de vie qui s’effrite, sous la forte influence du monde extérieur.
En suivant les bâtisseurs de Futuna dans leur vie quotidienne, mon projet était de toucher, à travers un reportage humain, les transformations qui tiraillent de nombreuses petites îles d’Océanie. Mon travail questionne en filigrane le lien à la terre, les notions de développement ou de pauvreté.
J’ai réalisé l’intégralité de cette série en vingt-et-un jours l’an dernier. Mais elle contient plusieurs années de vie dans le Pacifique.
Pour toutes les photos de chantier, je n’ai pas détaché la focale 28 mm de mon appareil. Le grand angle mettait en valeur les perspectives des bâtiments et les cadrages géométriques. De plus, cet objectif me forçait à m’approcher au plus près des sujets.
Je dois dire que ce choix a été, dans un premier temps, une petite épreuve pour moi qui ne suis pas très à l’aise en hauteur. Mais il me semblait inconcevable de prendre ces photos de loin. D’abord parce que je préfère photographier de très près, dans le mouvement et l’interaction maximale. Et puis aussi parce que je trouvais naturel de partager un peu de l’engagement de mes hôtes. Je crois que cet effort a été récompensé par la sympathie reçue en retour. Il a largement facilité mon introduction parmi ces bâtisseurs.
La plus grosse difficulté a finalement été de composer avec de nombreux contre-jours et le temps très changeant de Futuna, alternant en permanence entre un ciel chargé et des éclaircies écrasantes.
Les îles du Pacifique n’offrent pas toujours les paradis promis par les cartes postales."
Théo Rouby
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HORS CADRE #6
JEUNES PHOTOGRAPHES
Jusqu'au 31 mars à la MJC Ronceray - Le Mans
Chaque année, la MJC Ronceray s'associe aux Photographiques et expose de jeunes photographes prometteurs issus du territoire.
PAUL HAMELIN
"Regard sur un passé oublié"
À la MJC Ronceray, Le Mans.
À travers cette série de photographies je présente différents aspects des effets du temps, de la nature et notamment de la main humaine sur des lieux et véhicules à l’abandon. Ainsi j’essaie de faire passer les sensations et sentiments que j’ai pu ressentir en explorant ces endroits oubliés.
On peut voir que certains lieux sont totalement repris par la nature ou ravagés par les effets du temps qui passe. On observe la violence, la force et la beauté de la nature qui reprend ses droits et rend progressivement ces lieux en ruine. Ce qui nous rappelle que le passage de l’humain sur terre n’est qu’éphémère et que la nature est bien supérieure à celui-ci.
Sur les photos de bâtiments dans un état d’abandon peu avancé, on peut ressentir la solitude, la désolation et le silence qui pèsent en ces lieux. De plus on ressent la présence du passé de ceux-ci, en s’imaginant des places de vie, en tentant de recréer une scène tirée d’un passé révolu.
J’ai aussi fait en sorte de parsemer la série de photos de différents types de véhicules abandonnés pour mettre en évidence une fatalité, car l’immobilité éternelle de ces engins dédiés à être en constant déplacement montre encore une fois des possessions physiques rattrapées par le temps. Un peu comme s’ils étaient maintenant dans une dimension temporelle autre que la nôtre.
Le point le plus fort que j’ai voulu mettre en évidence est la splendeur de ces structures lorsqu’elles sont délaissées et qu’elles n’ont face à elles plus que le temps et la nature. À travers mes photographies j’essaie de sublimer ces lieux en mettant leurs architectures et leurs histoires en valeurs grâce à des jeux d’ombres et de lumière naturelles mais également grâce à la perspective, aux couleurs et aux textures.
C’est dans la démarche de partager avec le spectateur la beauté de ces lieux malgré l’abandon que mon côté photo-artistique intervient.
LISA OTJACQUES
''(Im)mobile'
À la MJC Ronceray, Le Mans.
L’histoire de la série (Im)mobile.
En répétitions avec la compagnie « La Ville en Feu » pour leur création revisitant Le Sacre du Printemps, j’ai collaboré avec les danseurs - comédiens sélectionnés par le Théâtre de la Ville à Paris dans le cadre du festival « Danse élargie ». Pendant ces répétitions, j’étais fascinée par le contraste entre l’immobilité et la mobilité soudaine, spectaculaire, pleine d’énergie et de lâcher prise des corps en mouvement. Passant d’une seconde à l’autre de l’état neutre, statique, concentré, ancré à celui d’énergique, explosif, animal et organique. Il m’a semblé intéressant d’opposer ces deux états nécessaires au travail du danseur - comédien sur scène. Ma principale inspiration en tant que comédienne et photographe est le travail de la chorégraphe décédée Pina Bausch et de ce qu’elle a transmis à sa troupe du Tanztheater Wuppertal qui perpétue ses créations danse-théâtre. Cette première collaboration avec des comédiens-danseurs m’a donné envie de créer d’autres séries de corps en mouvements, cette fois dans des décors naturels.
CATHERINE MARY-HOUDIN
"Étole"
À la MJC Ronceray, Le Mans.
"C'est en voulant travailler sur le mouvement et la basse lumière que ces photos sont nées. Un procédé extrêmement simple, de l'air, de la lumière et de la matière, et un monde s’est mis à vivre... Je n'en croyais pas mes yeux. Des flux, des couleurs, des compositions, des éléments abstraits qui me racontaient leur propre histoire. J'avais devant moi un monde qui m'était complètement inconnu. Si le hasard m'a fait déclencher l'appareil photo, j’ai seulement écouté, regardé, éprouvé et épuisé en quelque sorte, ce motif pour saisir toute sa dimension qui n'en finit pas de me parler. Aucune retouche ne m'a paru nécessaire (si ce n'est la température pour être au plus près de ce que mon œil voyait) pour vous donner à voir cette improbable et émouvante rencontre."
Catherine Mary-Houdin